----- Original Message -----
From: Cathbleue
To: Picabiette
Sent: Friday, January 03, 2003 12:26 PM
Subject: Re: Expo Roland very good


Salut Picabiette

et oui Barthes en expo et c'est plutot une réussite. tu trouveras ci-dessous un article du Monde à ce sujet

Sinon Baikal travel & co ne m'a pas encore répondu non plus. Je les relance demain si j'ai pas de réponses. Car ils ont peut être cru à une farce alors que ce n'en est pas une.

Tiens moi au courant sur tes révisions de géo. J'adore la projection azimulate orthodromique. Si tu as des infos là-dessus n'hésites pas

Oui je suis toujours en vacances. J'ai un peu la crève mais demain cela devrait aller mieux.
Tu veux passer à la maison ce soir ?

Allez bises.

ci-dessous article du monde :
LE MONDE | 27.11.02 | 11h16

• MIS A JOUR LE 27.11.02 | 11h39


La pensée en marche de Roland Barthes

Le Centre Pompidou consacre une exposition au critique et sémiologue français, donnant à voir, en le replaçant dans son contexte artistique et historique, le cheminement d'un intellectuel pluridisciplinaire, qui s'est intéressé autant à la fiction qu'à la peinture ou à la politique.
"Barthes (Roland), critique et sémiologue français (Cherbourg, 1915 - Paris, 1980)". Ainsi commence la notice Barthes d'un dictionnaire, notice longue et précise au demeurant.

"Critique et sémiologue"? Assurément : il a appliqué ses analyses à toute littérature, au cinéma, à la peinture et à la photographie contemporaines. Mais encore un essayiste, polémiste, presque sociologue : un intellectuel, donc – et qui a étudié comment s'exprime la haine poujadiste des intellectuels dans des pages que l'on peut relire en ces temps de "France d'en bas". Mais encore l'auteur de nombreux fragments autobiographiques et d'un début de roman, Vita nova, commencé peu de temps avant sa mort : un écrivain, donc – épris par-dessus tout du "plaisir du texte". Ne pas oublier non plus l'homme qui, le matin, rapidement, peignait sur papier des compositions abstraites et jouait du piano. Ne pas oublier le voyageur inquiet et attentif, au Japon et en Chine. Ni le professeur à l'Ecole pratique des hautes études et au Collège de France, les séminaires, les étudiants.

Faire une exposition de tout cela paraît à peu près impossible : comment projeter tant d'activités dans l'espace du musée ? La peinture, c'est facile ; le cinéma, la musique, ce n'est guère plus compliqué. La biographie ? Passe encore. Mais l'écriture ? Mais les réflexions du sémiologue ? Comment les montrer ? Sur ce point, l'exposition est une réussite rare. Il faut en rendre grâce aux commissaires, Marianne Alphand et Nathalie Léger, à la collaboration du Centre Pompidou et de l'IMEC, qui conserve l'ensemble des archives Barthes, et au travail de l'architecte Nathalie Crinière qui, avec des solutions simples en apparence, a conçu un itinéraire tout à la fois explicite et non contraignant.

Le résultat est inespéré : non seulement le contexte historique, intellectuel, politique et artistique est présent sans devenir étouffant, mais le rythme et la jouissance du travail de Roland Barthes sont de plus en plus sensibles à mesure que le parcours se développe.

Celui-ci commence et finit sur deux idées visuelles parfaites. A l'entrée, le visiteur s'engage très vite entre des colonnes carrées rouges qui contiennent les éléments visuels et sonores dont Mythologies, paru en 1957, se saisit comme d'autant de signes distinctifs pour faire le portrait d'un pays pris par la consommation, l'embourgeoisement, les spectacles de masse, le culte du confort et des loisirs. Il suffit de quelques affiches, d'une DS 19, des images d'un combat de catch et d'une étape du Tour de France pour que des phrases de Mythologies reviennent en mémoire – la coupe de cheveux de l'abbé Pierre, le strip-tease, le tourisme selon les Guides bleus. Et, espérons, cela suffira pour que ceux qui n'ont pas encore lu ces passages courent dans une librairie.

A la fin, le dernier mur, celui contre lequel pas et yeux butent, est couvert d'une installation surprenante : des centaines de fiches manuscrites, prises dans les boîtes où Roland Barthes les classait dans l'ordre alphabétique. Elles étaient sa mémoire, la suite de ses pensées, les éléments de ses livres futurs et d'une chronique personnelle émiettée. Ainsi a-t-on la sensation de voir le travail s'accomplir, par découvertes, rapprochements, mises en ordre, accélérations alternées.

Cette sensation s'étend à toute l'exposition, qui tient toujours noués les liens entre le visible et le lisible. Lisibles : les manuscrits et tapuscrits, les tranches des livres de la bibliothèque partiellement reconstituée, les lettres, les articles de presse. Visibles : l'album de famille et les photos de voyage en Chine, les artistes que Barthes a aimés – Cy Twombly, Bernard Réquichot, Bernard Faucon, Saül Steinberg – et aussi "ses" écrivains, Jules Michelet peint par Thomas Couture, Sade dessiné par Vincent Corpet. Visibles sur des écrans : le théâtre de Bertolt Brecht, le cinéma d'Alain Robbe-Grillet et la Symphonie mécanique, de Pierre Boulez. Il ne s'agit pas d'illustrer – ce serait anecdotique – mais de donner à comprendre chaque fois ce que Barthes a retenu d'abord de ces œuvres : par exemple, de Sade, l'hypertrophie de la logique sérielle, et de Boulez l'importance centrale de la notion de structure.

Cette dernière notion est capitale et, pour l'affirmer, des moyens variés se conjuguent : la pédagogie légère d'un système informatique imaginé à partir du Système de la mode, l'allégorie de deux Mondrian admirables, la mise en œuvre musicale par une création sonore et visuelle d'Andrea Cera, l'information historique par le rappel des références philosophiques et linguistiques – d'Algirdas Julien Greimas à Jacques Derrida et Gérard Genette. Pour achever d'élucider les concepts, les universitaires Marc Augé, Antoine Compagnon et Philippe Roger s'expliquent sur des écrans placés dans la même salle. Le spectateur le plus distrait, mis au centre d'un tel système d'échos, ne peut que se laisser pénétrer par le structuralisme. Comme introduction visuelle à la méthode de Roland Barthes, on ne saurait imaginer structure – évidemment – mieux agencée.

Mais elle n'enferme pas Roland Barthes dans un dispositif définitivement clos. La structure est déterminante. Elle organise, mais elle ne doit pas interdire. Peut-être est-ce là un signe des temps : au Barthes tel qu'il apparaissait dans les années 1970 – le théoricien sémiologue –, l'exposition substitue une figure bien plus variée, bien plus subjective. Les affects, les engouements, les hésitations, les obsessions y ont leurs parts. L'écrivain prend le pas sur l'analyste de l'écriture. Et, avec lui, l'observateur de la France de l'après-guerre, de l'Algérie, du gaullisme et du pompidolisme.

Non qu'il faille désormais préfé-rer nécessairement Mythologies et Fragments d'un discours amoureux au Degré zéro de l'écriture et aux Eléments de sémiologie. Quand le roman devient un pur commerce – c'est le cas aujourd'hui –, il est réconfortant de revenir vers une pensée de la littérature qui ne tient pas celle-ci pour du divertissement et de la réclame.

Mais le Roland Barthes politique est tout aussi capital. Politique parce qu'il commence vers 1956 la dissection de la société que Guy Debord a dite "du spectacle" une décennie plus tard. Politique parce que, à la différence de Debord justement, la critique sociale de Roland Barthes ne se fixe pas dans des démonstrations et des postures : elle n'oublie pas de douter de tout, y compris d'elle-même, du marxisme à Paris et du maoïsme à Pékin. Elle reste – absolument, férocement, égoïstement, voluptueusement – libre. On ne voit pas quelle leçon plus importante il y aurait à répandre aujourd'hui et quel éloge plus élevé pourrait être fait de Roland Barthes.

Philippe Dagen

Centre Georges-Pompidou, Paris-4e. Tél. : 01-44-78-14-63. Exposition/Barthes. Du mercredi au lundi, de 11 heures à 21 heures. Entrée : 6,5 €. Jusqu'au 10 mars. "Le Monde des livres" de vendredi 28 novembre consacre un dossier complet à Roland Barthes.


--------------------------------------------------------------------------------

La photo, le "studium" et le "punctum"


La place de la photographie est discrète dans l'exposition – notamment une installation d'Alain Fleischer ou des photos de Bernard Faucon. Or Roland Barthes est l'auteur d'un des best-sellers théoriques sur le sujet, La Chambre claire (1980). Ce livre est d'une approche toute personnelle, point de départ pour parler d'autre chose à la première personne. "La photo me touche si je la retire de son bla-bla ordinaire : technique, reportage, réalité, art, etc." Barthes distingue le studium (l'intérêt de l'image en fonction de la culture de celui qui regarde) et le punctum (l'élément imprévisible de l'image qui touche le spectateur). Parmi d'autres notions, Barthes développe le temps inscrit dans la photo (le "ça a été"). Un autre texte, moins connu, mais plus d'actualité, publié dans Mythologies, s'appuyant sur l'exposition américaine "The Family of Man" (1955), est une critique sévère des visions globalisantes et religieuses de photographes dits humanistes et compassionnels, qui finissent par gommer "l'histoire et les injustices du monde".

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 28.11.02