Correspondances & Carnet - Voyage Immobile

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----- Original Message -----
From: Picabiette
To: Cathbleue
Sent: Sunday, January 12, 2003 2:04 PM
Subject: sana

Ah, j'en sors, figure-toi! J'y étais entrée avec quelque appréhension, dans la barocaméra, mais je remets pied à terre toute ragaillardie. En fait, c'est l'effet exactement inverse d'un décollage d'avion. Dépressurisation progressive, envoi d'oxygène, brumisation chaude, et te voilà en état de lévitation dans la barocaméra, avec le visage d'une solide infirmière tout de blanc vêtue te souriant à travers la buée de la lucarne pour dissiper ta peur.
Je suppose que les russes se sont appuyés sur leur expérience spatiale pour livrer au grand public cet outil de remise en forme. Si j'ai bien compris, ils pratiquent la barocaméra comme nous pratiquons, chez nous, les rayons ultra-violets. Un petit quart d'heure d'enfermement, et c'est parti!

Formidable, le sanatorium du Golfe de l'Amour.
Non, ce n'est pas très loin du centre de Vladi: 17 kilomètres, une bagatelle en autobus. J'ai préféré prendre l'autobus plutôt que de louer une voiture: les conditions de circulation ici imposent le 4x4, et je ne sais pas conduire ces engins. Je n'y avais pas réfléchi avant mon départ! J'aurais pris quelques cours de conduite. Ah, tu peux louer autant de Toyota, de Nissan et de Mitsubishi que tu veux, et même en acheter d'occasion, très peu chères. J'ai failli acquérir un minivan Nissan (aux States, on appelle bien pick-up cette sorte de véhicule?), pour 5000 roubles, soit environ 150 euros. Mais il avait un peu trop de route... et aurait fini par m'encombrer. Je ne dois pas oublier que je suis une voyageuse indépendante, mais ferrovaire.

Toutefois, je t'envoie la photo du pick-up, devant le garage de Vladi qui la proposait. Comme tu vois, la tradition du bardage en bois pour habiller les bâtiments persiste vaillamment!

Aurais-je dû faire le pas de cet achat somme toute superflu?
Je finis par perdre les aptitudes incomparables que développe en nous la société de consommation, faire le bon achat au bon moment, se passer toutes ses tocades, se faire plaisir...

Mais à force d'échanges culturels entre les nations russe et française, tout le monde sera bientôt à niveau, comme on dit. (voir plus loin l'article que j'ai lu ce matin dans la gazette disponible à la bibliothèque du sanatorium; un peu ancienne, la gazette, mais vu l'état du monde, on a tout intérêt à lire de vieux journaux).


Tiens, j'ai pris quelques photos. Un palace, vraiment.

J'ai fait une croix sur mon balcon.

Et là, c'est ma chambre. Il y a un frigo près de la fenêtre, sous la télé, mais il fonctionne seulement en été, en cette saison tu peux très bien laisser ta bouteille d'eau gazeuse (qui fait partie de la cure) sur le balcon, elle sera très fraîche; et comme elle est légèrement salée, elle ne gèle pas.

J'ai regardé la télé hier soir, n'ayant rien d'autre à faire après le dîner. 18 h 30, le dîner!
Les soirées sont longues! Mais ce n'était pas très gai : la proximité de la Corée - imagine que la Suisse menace de faire sauter une bombinette, on serait tous aux abris - fait monter l'inquiétude, même si Poutine se fait fort de ramener Kim Jong Il à la raison. .

Les Russes surnomment le patron de la Corée du nord le premier voyageur de Russie en souvenir d'un périple ferroviaire de 23 jours du dictateur à travers villes et villages, steppes, montagnes et taïga... C'était en 2001, mais le souvenir est toujours vivace, et cauchemardesque : à chaque arrêt du train dictatorial, les gares étaient bouclées, fermées, inaccessibles, pour que les wagons bindés puissent manoeuvrer.
C'est pas pour moi qu'on fermerait les gares!

Et puis là, c'est trois pensionnaires du sanatorium. Tu as raison, il arrive aux russes de porter des casquettes, des bérets ou des coiffes ressemblant à des bérets.
Ces trois-là m'ont eue à la bonne, mon baragouin approximatif les a beaucoup fait rire, si tu regardes de près tu verras encore des larmes perler au coin de leurs yeux. Je ne sais quelle sottise je venais de leur sortir, quelque chose dans le goût je suis la deuxième voyageuse de Russie... Je t'accorde que c'est d'assez mauvais goût, mais les russes orientaux apprécient cette forme d'humour noir: mélange de lyrisme sentimental russo-slave et d'impavidité asiatique, sans doute.

Dernier point : pas cher du tout, le sana ! 14 600 roubles pour le mois. Quand tu sais qu'avec un euro, tu as 33,4339 roubles, tu as vite fait le calcul. Surtout toi qui aimes les mathématiques.
Je ne resterai pas un mois, mais jusqu'à demain matin.
Allez, je te laisse, je vais me promener sur la plage: il y a seulement quelques marches à descendre... Je verrai passer les bateaux, les cargos, les pétroliers, tout ce que crache Vladi dans l'espace asiatique et la mer du Japon, des milliers de conteneurs venus de Yakoutie - pardon, de la République Shaka -, de Sibérie centrale et de je ne sais où...

Picabiette

Lu à la Bibliothèque du Sanatorium:
La collaboration bilatérale entre les organes du maintien de l'ordre, tout particulièrement dans le contexte de la lutte contre le crime organisé, le terrorisme, le trafic de drogue et le blanchiment de l'argent, est en train de se renforcer. Elle s'exerce dans le cadre des ministères des Affaires intérieures, des services secrets, des plus hautes instances judiciaires (Conseil d'Etat pour la France, Haute Cour d'arbitrage, Cour suprême et Cour constitutionnelle pour la Russie). Le rôle des sociétés civiles dans le développement des relations entre les deux pays s'est considérablement accru ces derniers temps. Cette tendance se manifeste, entre autres, par la tenue d'un "dialogue des cultures" qui fait déjà partie des usages et se déroule dans le cadre des grandes visites bilatérales: rencontres avec des représentants russes et français de l'intelligentsia et des créateurs, tables rondes.
Les liens russo-français demeurent un facteur important de la politique européenne et mondiale, qui contribuent à consolider la stabilité en Europe et dans le monde.
Les relations russo-françaises ont une longue histoire. Dès le milieu du XIème siècle, la fille de Yaroslav le Sage, Anne de Kiev, épouse Henri Ier, devenant reine de France. A la mort de celui-ci, elle assure la régence et gouverne l'Etat français (Novosti, 20/12/2001)